Ernie Pyle – Apointment at Hill 1205

Avec la participation amicale de Gennaker.

Ernie Pyle

Hill 1205 – Monte Sammucro – Italie

Ernest « Ernie » Taylor Pyle (né le 3 aout 1900) est mort le 18 avril 1945, tué par une rafale de mitrailleuse japonaise à Okinawa. Ernie n’était pas un combattant mais un journaliste pour le Washington Post, puis pour l’agence de presse Scripps Howard Newspapers. Il écrivait depuis les toutes premières lignes de front, et a ainsi couvert toutes les campagnes de l’armée américaine depuis l’Afrique du Nord, la Sicile, l’Italie et la Normandie. Ses chroniques étaient non seulement adorées par les lecteurs américains de plus de 200 journaux, mais aussi des « front line soldiers », « dogface soldiers », qui aimaient son humour et surtout son inconditionnelle humanité et sa façon réaliste de décrire les événements. Tué par une rafale de mitrailleuse japonaise, les GI’s n’ont pas hésité à braver le feu ennemi pour recouvrer son corps. On peut retrouver certaines de ses chroniques dans des livres compilations, comme « Brave Men », qui donnent un témoignage « charnel » de la vie du GI au front.

Henry T. Waskow – Company Commander
Co. B – 143rd Infantry – 36th Division


Sur la ligne de front, Italie, 10 janvier 1944, Ernie Pyle, correspondant de guerre écrit…

« Dans cette guerre, j’ai connu beaucoup d’officiers aimés et respectés de leurs soldats.
Mais je n’ai jamais vu un homme aussi adoré que le capitaine Henry T Waskow, de Belton, Texas.

Le Captain Waskow était un commandant de compagnie de la 36th Infantry Division.
Il menait sa compagnie depuis le début aux USA.
Il était très jeune, dans les 25 ans, et il portait en lui beaucoup de gentillesse et de sincérité.

« Il passait juste après mon père » me dit un sergent;

« Il s’occupait toujours de nous » dit un soldat…

« Je ne me souviens pas l’avoir jamais vu faire quelque chose d’injuste », dit un autre,

J’était au pied de la piste de mules la nuit où ils ont ramené le corps du Captain Waskow.
La lune était presque pleine ce soir là, et on pouvait voir loin.
Les soldats faisaient de grandes ombres en marchant à la lumière de la lune.

Des corps avaient été rapportés de la montagne toute la soirée, harnachés sur dos des mules.
Ils arrivaient attachés sur le ventre en travers des selles de bois, leur tête pendant sur le côté gauche de l’animal, leurs jambes déjà raides pointant bizarrement de l’autre côté, tressautant de bas en haut au rythme de la marche de la mule.

Les gardiens de mules italiens avaient peur de marcher près des cadavres, et ce sont des américains qui menaient les bêtes ce soir là.
Même les américains répugnaient à détacher les corps arrivés en bas.
C’est un officier qui devait s’en charger avec l’aide d’autres hommes.

Le premier cadavre était arrivé tôt le matin. Ils l’avaient fait glisser du dos de la mule et l’avaient maintenu à la verticale un instant, cherchant une meilleure prise.
Dans le demi jour, on aurait pu penser qu’il s’agissait d’un simple malade, s’appuyant sur les autres.
Puis ils l’ont étendu sur le sol à l’ombre d’un petit mur de pierres le long de la route.

Je ne sais pas qui était le premier corps.
On se sent petit en présence d’un homme mort; et honteux d’être vivant; on ne pose pas de questions bêtes.

On l’a laissé là près de la route, et on est retourné dans l’étable s’asseoir sur des jerrycans d’eau ou étalé dans la paille à attendre le prochain convoi de mules.

Quelqu’un mentionna que le cadavre avait été tué voici 4 jours, et plus personne n’en parla.
On a raconté des histoires de soldats pendant une heure encore.
Les morts sont restés seuls allongés près du petit mur de pierres.

Puis un soldat est entré dans l’étable et a dit qu’il y avait d’autres cadavres dehors.
On est sorti sur la route.
Il y avait 4 mules, dans le clair de lune, à l’endroit ou la piste de montagne rejoignait la route.
Les soldats qui les menaient attendaient là.

« Celui ci est le Capitaine Waskow » dit l’un d’eux doucement.

Deux hommes détachèrent son corps de la mule et le portèrent vers l’ombre du mur de pierres.
D’autres hommes détachèrent et étendirent les autres corps.
Il y avait en tout 5 cadavres alignés le long de la route.
On ne couvre pas les corps dans une zone de combats.
Ils demeurent juste étendus là jusqu’à ce que quelqu’un s’occupe d’eux.

Les mules déharnachées se rendirent dans un champs d’olivier.

Les hommes au bord de la route hésitaient à partir.

Ils restaient là, et petit à petit, un par un, je les ai senti se rapprocher du cops du capitaine Waskow.

Pas vraiment pour le regarder, je pense, mais plutôt pour dire quelque chose de définitif, à lui et à eux même.
J’étais tout près et j’ai entendu.

Un soldat s’est approché, a regardé et a dit à voix haute « God damn it! » (Nom de Dieu!)

C’est tout ce qu’il a dit, et il est parti.

Un autre s’approcha. Il dit: « God damn it to hell anyway. »

Il a baissé les yeux un long moment, s’est détourné et est parti.

Un autre homme est venu, un officier je crois.
C’est difficile de différencier les officiers des simples soldats au clair de lune, avec ces mêmes visages hirsutes et sales.
L’homme contempla le visage du capitaine, et lui parla directement, comme s’il était vivant, il dit:

 » Je suis vraiment désolé, vieux camarade… »

Puis un soldat vint et se tint près de l’officier, se pencha et parla à son officier, non pas dans un murmure mais avec terriblement de tendresse, il dit:

« Je suis vraiment désolé Sir… »

Puis le premier homme qui avait ramené le corps s’agenouilla, tendit le bras et saisit la main du mort.

Il resta assis pendant 5 minutes, tenant la main de l’officier, et le regardant fixement.
Il ne dit pas un mot tout le temps qu’il resta ainsi.

Il déposa finalement la main du mort, et tendrement, remis en ordre le col de la chemise du capitaine, et brossa le vêtement taché de sang autour de la blessure.

Puis il se leva et partit le long de la route, dans la clarté de la lune, seul…. »

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Le soldat qui a descendu le corps du Cpt Waskow, qui est resté silencieux auprès de lui nommait Riley Tidwell.

« Jai rencontré Ernie Pyle à la First Aid Station.
On est resté assis la et on a parlé longuement.

Je lui ai parlé de la mort de mon capitaine et il m’a dit:
« Et bien, vous deviez vraiment l’aimer! » et je lui répond:
« Oh oui, comme mon père, et
même plus que mon père. »
Je rajoute:

« Il sera en bas ce soir. Il vont le descendre. »

Je suis resté la trois jours et son corps n’est jamais arrivé.
Ils ont du le louper d’une manière ou d’une autre.

Alors j’ai dit à Ernie que j’allais aller le chercher.
Ernie me dit que je ne peux pas y aller, que mes pieds ne sont pas en état;

Je lui répond:
« J’irai quand même ».

Alors je descends dans un champ d’oliviers un peu plus bas et je prends une mule.

Je suis remonté en haut de Hill 1205 cette nuit la et on a du se cacher
avec la mule au pied d’un falaise pendant toute la journee du lendemain
à l’abri des tirs ennemis.

Dès la nuit venue, on a continué notre ascension pour finalement
arriver vers le corps du capitaine, la où je l’avais déposé quelques jours avant.

Je le charge sur la mule et on redescend…

En arrivant au pied de la montagne, quelqu’un crie:

« Voila Riley… et il a le capitaine Waskow avec lui »…

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